Avec La fille de la grêle, Delphine Saubaber nous offre un premier roman qui explore avec une justesse et une tendresse infinies « les blessures, les misères et les folies » d’une famille racontée, au soir de sa vie, par Marie, femme, fille et mère qui se déleste du poids des secrets en retraçant le chemin de ses origines. Bouleversant.
Durant sa carrière de journaliste et de grand reporter, Delphine Saubaber a parcouru le monde, « interrogeant la misère humaine dans le fond de l’œil », « cherchant seulement la vérité, celle qui peut parfois donner le frisson ». Une vérité qu’elle a traquée sans relâche, avec pour seule boussole sa profonde et sincère humanité, donnant la parole aux victimes comme aux bourreaux. Dans la préface de son livre, Vies de Mafia, publié chez Stock et coécrit avec Henri Haget, elle écrit d’ailleurs : « Nous avons voulu raconter la mafia (…) en suivant des tranches de vie, en racontant des gens qui vivent, travaillent, tuent, souffrent. » Ce livre mêlait déjà au rigoureux travail d’investigation, des incursions dans l’univers de la fiction, comme pour mieux retranscrire le choc des émotions ressenties lors de ces rencontres bouleversantes. Delphine Saubaber a ensuite mis sa plume délicate au service d’autres, livrant des témoignages poignants, tous mus par une puissante pulsion de vie. Et c’est ce même désir et ce besoin de donner la parole « aux pauvres, aux sourds, aux muets, aux innocents » sans jamais les juger, mais en soulignant leur humanité, que l’on retrouve dans son tout premier roman.
La fille de la grêle est rien moins qu’un choc littéraire. La délicatesse et la sobriété de cette écriture profondément poétique n’en soulignent que mieux la puissance des sentiments qui s’exprime dans ce roman. En donnant la parole à Marie qui, au soir de sa vie, décide de s’adresser à sa propre fille tant aimée pour lui raconter son histoire et lui expliquer ses choix, Delphine Saubaber dresse le portrait d’une femme qui n’a jamais vraiment trouvé sa place dans un monde dont elle a toujours rejeté la vanité et les faux-semblants, et qui se livre ici en toute sincérité, se révélant dans toute sa complexité, confessant ses secrets, mensonges et faiblesses, et faisant enfin éclater la chape de silence et de culpabilité qui l’étouffait depuis l’enfance. Avec La fille de la grêle, Delphine Saubaber se penche sur des thématiques universelles mais délicates et souvent passées sous silence comme celles du grand âge, l’indifférence avec laquelle on traite trop souvent les personnes âgées, leur refusant la liberté et le choix de mourir dans la dignité, ou bien celle de la parentalité et la difficile transmission d’un passé qu’on tente trop souvent d’enjoliver au risque de voir se perpétuer peurs et angoisses sur des générations. Sans passéisme et sans jugement, Delphine Saubaber nous invite également à nous interroger sur notre rapport à la nature et à l’environnement. Issue d’un monde paysan soumis aux colères de la terre et du ciel, Marie sait la précarité de la condition humaine et invite ainsi sa fille à puiser dans l’histoire et les valeurs familiales pour retrouver une sobriété et un sens du nécessaire dont le monde actuel manque cruellement. La fille de la grêle est enfin et surtout un merveilleux roman d’amour, l’amour dévorant d’une mère pour sa fille, l’amour fusionnel d’une sœur pour son frère, l’amour indicible d’une fille pour ses parents, l’amour obsessionnel d’une journaliste pour les mots qui apaisent, consolent, transforment et réparent.
Juliette Courtois