Maladroite et impertinente, Imogène McCarthery n’a pas pris une ride depuis sa naissance en 1959. Ses aventures, adaptées sous différents formats, ont fait sourire plusieurs générations de lecteurs et de cinéphiles. Ressorties en livres numériques, elles continuent d’émerveiller par leur audace et leur liberté de ton.
Imogène McCarthery a eu droit à différents visages au gré de ses adaptations. Mais elle a toujours su garder son caractère intrépide, celui de la grande fille rousse de plus de cinquante ans qui combat les espions par sa fougue, son courage et sa maladresse. Il faut dire que pour créer son personnage phare, trois fois adapté sur petits et grands écrans, Charles Exbrayat est allé puiser dans la grise beauté des Highlands écossais. Il en a extrait une fierté, une noblesse et un tempérament hors du commun que l’on dit propre aux habitants de ces terres battues par la rudesse des éléments. Surnommée « The Red Bull » par ses collègues et ses admirateurs, c’est peu dire qu’Imogène ne laisse personne insensible. À l’écran, l’héroïne de Charles Exbrayat a été incarnée par les talentueuses Catherine Frot, Dominique Lavanant et Jacqueline Jefford de la Comédie Française. Face à pareil personnage, il n’en fallait pas moins.
Pour sa première adaptation en 1970, Ne vous fâchez pas, Imogène, c’est Catherine Jefford qui prête ses traits à la fière Écossaise. Roger Iglesis, le réalisateur, offre une grande liberté à sa comédienne. Le téléfilm, comme l’héroïne, marque les esprits. Ce personnage féminin libre correspond aux aspirations de l’époque. 20 ans plus tard, le romancier Michel Grisolia et le comédien Martin Lamotte décident d’adapter l’ensemble des romans d’Imogène en série. Ils choisissent toutefois de renier ses origines et de recentrer l’histoire du personnage dans l’Hexagone. Imogène McCarthery devient Imogène Le Dantec, une Bretonne revêche partie vivre dans la grisaille parisienne. Dominique Lavanant, native de Morlaix, incarne ce pendant français de l’héroïne écossaise. C’est elle qui incite le réalisateur François Letterier à se tourner vers la ville de Locquénolé et le Château du Taureau à Morlaix pour tourner sa série. La voici chargée de ramener un colis contenant un échantillon de métal révolutionnaire dans son village natal de Plouguirec. Avec, toujours, la pluie et le burlesque en trame de fond. Les 13 épisodes de la série offrent une gloire méritée à Dominique Lavanant. Charles Exbrayat, lui, n’aura l’honneur que d’assister à la diffusion du premier épisode en janvier 1989. Il décède deux mois plus tard dans sa ville natale de Saint-Etienne.
Malgré la disparition de son auteur, Imogène plait toujours autant en ce début de XXIème siècle. Elle revient à l’écran en 2010, portée par l’extravagante Catherine Frot. Cette comédie d'espionnage signée par deux anciens auteurs des Guignols de l'info Alexandre Charlot et Franck Magnier, remet à l’honneur le tartan et les vieilles lignées du Nord du Royaume-Uni. L’espionne-secrétaire redevient Écossaise. Avec Imogène McCarthery, les réalisateurs rendent également hommage à une époque, celle du Swingin’ London et de Carnaby Street des années 1960. Sous leur caméra, Catherine Frot devient l’égale d’un Peter Sellers dans La Panthère Rose grâce à sa science du jeu, de l’humour et de l’absurde. Malgré son âge avancé, qui dépasse désormais celui de son héroïne, la série de Charles Exbrayat continue de de séduire les générations par son inimitable humour. En attendant, peut-être, une nouvelle adaptation des aventures de la fière écossaise. Face au lecteur comme face aux espions, Imogène n’a pas dit son dernier mot.
Source :
• Quand Dominique Lavanat tournait le premier « Imogène » en baie de Morlaix, Le Télégramme, 13 juin 2018.
• Interview de Jacqueline Jefford, Le Journal du Dimanche, 12 décembre 1970.
• Interview de Catherine Frot, Le Dauphiné Libéré, 2 mai 2010.
Yves Czerczuk