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Laetitia Saint-Paul : l'engagée

Mission : tenir

Laetitia Saint-Paul : l'engagée

Tous les écrivains ont leur livre de chevet préféré. En discutant avec Laetitia Saint-Paul, on apprend que les militaires aussi, et que le sien s'appelle la "Médo". Plus qu'un banal bouquin, il s'agit d'une sorte de feuille de route sous forme de tableau définissant les enjeux d'une mission et ses objectifs. Pas très romantique, certes, mais terriblement efficace. C'est avec cette technique éprouvée que Laetitia Saint-Paul, capitaine de l'armée de Terre, députée, vice-présidente de l'Assemblée nationale et mère de deux enfants, s'est attelée à l'écriture de son livre Mission : Tenir. Aidée par Céline Cabourg, elle a tenu son cap : "Je voulais valoriser l'engagement, qu'il soit militaire ou politique." Il aura fallu un an pour rédiger le récit d'un parcours hors-norme, parti des rangs militaires des "opex" en Afrique vers le perchoir du palais Bourbon.

Fille de buralistes à Rennes, elle ressent l'appel du drapeau au lycée, avant d'intégrer la prestigieuse école des officiers de Saint-Cyr en 2002. Là-bas, c'est vrai, elle a rencontré des résistances de la part de ses frères d'armes. Elle dit, dans un sourire : "J'espère qu'en vingt ans, du chemin a été parcouru." Plus jeune déjà, lorsqu'elle avait annoncé vouloir devenir militaire, une conseillère d'orientation lui avait jeté à la figure : vous vouliez être un garçon quand vous étiez enfant ? Aujourd'hui, elle en plaisante. Laetitia Saint-Paul aime "les jupes qui tournent", les "romans de nanas" (mais aussi ceux de Beigbeder) et, par-dessus tout, les obstacles à franchir.

De toute façon, les préjugés ont vite été balayés sur le terrain. En tant qu'officier, elle prend la tête d'une section d'une quarantaine de soldats avant de s'envoler en mission extérieure pour la Côte d'Ivoire. Après quelques années au sein de la Brigade Franco-Allemande, elle ressent un nouvel appel en 2014. Cette fois, elle veut s'engager dans la vie publique en devenant conseillère municipale. En théorie, c'est mission impossible. La législation et le fameux "devoir de réserve" interdisent aux militaires d’être élus. Alors en poste dans la région saumuroise, elle se bat aux côtés d'un confrère pour faire changer la loi. "C'est le premier combat politique gagné et la preuve qu'avec de la détermination, on fait tomber les murs", juge-t-elle.

La suite de sa conquête du pouvoir ressemble à une Blitzkrieg. En janvier 2017, elle s'inscrit au comité local d'En Marche. Cinq mois plus tard, elle est élue députée et devient la première militaire d'active à siéger dans l'hémicycle. Bien que novice, sa réputation la précède : "J'ai tout de suite été très bien accueillie. On me disait : Toi, on peut te faire confiance, tu as des valeurs." À l'aise avec le maintien de l'ordre, ses collègues lui font confiance en l’élisant vice-présidente de l'Assemblée nationale en 2019. "Je suis en phase avec ce rôle institutionnel qui me place au-dessus des partis", explique-t-elle. À force, on se demanderait presque si ce naturel leadership ne la prédestine pas, un jour, au poste de cheffe d'Etat... "En aucun cas ! J'aime trop avoir du temps pour mes enfants. Ce que je vis est déjà fabuleux." Sauf que Laetitia Saint-Paul vient tout juste d'avoir 40 ans et qu'à ce rythme-là, la vie lui réserve sans doute encore bien des aventures.

Mathieu Counord