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Violences sexuelles dans le star-system : Florence Porcel ouvre la boîte de Pandore

Pandorini

En transposant dans une fiction intitulée Pandorini l’histoire d’abus moral et sexuel qu’elle a subie, Florence Porcel renverse la figure du mâle flamboyant et séducteur et explore les mécanismes de la mémoire traumatique et du déni des victimes. Un habile roman à clés post #metoo doublé d’un geste militant.

Florence Porcel semblait avoir la tête dans les étoiles. Passionnée par l’exploration spatiale, elle a partagé son savoir pendant plusieurs années sur sa chaîne Youtube et dans des livres. On la découvre ancrée dans une réalité plus tangible et brutale avec Pandorini, son premier roman. Déjà l’une des voix contemporaines contre les violences faites aux femmes - elle avait révélé avoir été l’une des cibles des attaques sexistes de la Ligue du Lol en 2019 – la journaliste et auteure s’inspire à présent d’une autre expérience traumatique, sa relation sous emprise avec une célébrité, pour mieux dénoncer l’aveuglement de la société face aux abus sexuels, notamment dans certains milieux intouchables.

« Je voulais que mes personnages soient des archétypes »

Le tableau est familier et les personnages ancrés dans un espace-temps fictionnel très réaliste : dans la France post #metoo, Pandorini, monstre sacré du cinéma français, vient de mourir. Après les éloges funèbres, les langues se délient : la figure légendaire cacherait en fait un abuseur. L’onde de choc se propage dans les médias et au plus intime de la narratrice qui se souvient... « Je voulais que mes personnages soient des archétypes », indique la romancière. « Pour Pandorini, c’est comme si j’avais fait un morphing sur Photoshop de dix personnalités ultra populaires et charismatiques ». Elle poursuit : « Ma narratrice est une jeune apprentie actrice de 19 ans, encore vierge et innocente. Elle tombe sur un homme qui abuse de son pouvoir sans qu’elle soit capable de comprendre que la situation n’est pas normale. »

« Une démarche de possession et de pouvoir »

Le texte déboulonne petit à petit cette figure désormais bien connue du supposé « homme à femmes » libertaire, qui viole sous couvert de séduire, et d’autant plus difficile à dénoncer qu’il est adulé, puissant et influent. « Ces hommes-là ne sont pas dans une démarche de réciprocité mais de possession et de pouvoir », déclare Florence Porcel. « C’est toujours la même histoire quel que soit le milieu. Il n’y a pas de monstre ni de super-héros même sur un écran ou sur une scène… », précise-t-elle.

Une critique du paysage médiatique

En alternant des extraits de presse plus vrais que nature – équivalents fictionnels d’éditos nauséabonds, de la tribune sur la liberté d’importuner, de témoignages de victimes et autres « on se lève et on se casse » - le texte établit aussi en creux une critique des médias contemporains qui accordent, selon l’auteure, trop de place aux réactionnaires de tous poils. « Nous brandir sans cesse la présomption d’innocence, c’est oublier la présomption d’honnêteté de celles qui dénoncent », clame l’écrivaine. A ceux qui remettent en cause une parole à coup de « pourquoi ne pas vous être débattue ou avoir porté plainte ? », elle répond en décortiquant les phénomènes de sidération et de déni expérimentés par son héroïne. « Il fallait montrer pourquoi on ne bouge pas quand cela arrive et comment on peut comprendre de travers ce qui s’est passé : le cerveau ne fonctionne plus normalement, encaisse le choc et passe en mode survie. »

Enfermer tous les Pandorini dans leur propre boîte

Si elle se voile un temps la face, accro à des sentiments de pacotille et meurtrie dans son corps par celui qu’elle croit aimer, la jeune femme finit par comprendre, médusée devant son poste de télévision, l’absence de consentement et donc l’abus qu’elle a subi. « C’est clairement un livre militant, que j’espère constructif et utile pour la société », déclare encore Florence Porcel. « J’ai perdu seize ans de ma vie à me débattre avec cette histoire, donc si je peux faire gagner du temps de prise de conscience aux victimes… » Il faut l’ouvrir pour mieux piéger tous les Pandorini dans leur propre boîte.

Noémie Sudre