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Agatha Christie : 100 ans d’aventures

L’année 2022 marque le centenaire du voyage qu’Agatha Christie entreprit à travers le monde dix mois durant. Pour fêter cet événement majeur, partons sur les traces de l’intrépide écrivaine et des expériences qui ont façonné ses romans les plus célèbres.

20 janvier 1922
Son aventure de dix mois débute le 20 janvier 1922, lorsqu’elle monte à bord d’un navire, le RMA Kildonan Castle, en compagnie de son premier époux Archie et des passagers de la British Empire Exhibition Mission, au départ de Southampton en Angleterre. En chemin, Agatha Christie allait explorer des paysages merveilleux, goûter des mets extraordinaires et faire la connaissance de gens passionnants. Elle allait se découvrir de grandes passions, observer un large éventails de cultures et emmagasiner quantité de souvenirs.

Une enfance et une adolescence à l’étranger
Alors qu’Agatha n’est âgée que de cinq ou six ans, sa famille se retrouve dans une situation financière précaire qui contraint ses parents à louer leur demeure de Torquay et à loger dans divers hôtels en France. Ainsi vivent-ils dans les Pyrénées, à Paris et en Bretagne, autant d’expériences formatrices pour la petite Agatha.
« Les deux hivers et l’été que je passai à Paris comptèrent parmi les jours les plus heureux que j’aie jamais connus. Toutes sortes d’événements agréables s’enchaînèrent. » Une Autobiographie
Pour terminer son éducation formelle, elle retourne en France à l’âge de quinze ans et loge dans une série de pensions de famille à Paris, où elle suit la formation d’une professeure de chant parmi les plus réputées de son époque. Si elle s’intéresse à la mode et aux vêtements, néanmoins la société française la déçoit ; elle préfère grandement les sorties qu’elle fait en compagnie de sa mère au Grand Opéra et à Versailles, Fontainebleau ou d’autres lieux chargés d’histoire.
C’est également aux côtés de sa mère qu’elle découvre le Caire pour la toute première fois, alors qu’elle fait ses débuts dans la société. La jeune débutante est présentée à un large panel de bons partis (elle se rend à une cinquantaine de bals), pourtant elle écrira plus tard qu’elle était davantage attirée par « certains colonels tout bronzés et d’âge mûr », et pour la plupart mariés. En revanche, elle ne profite pas de son séjour pour admirer les splendeurs de l’Antiquité.
« Louxor, Karnak et toutes les beautés d’Égypte allaient avoir un impact extraordinaire sur moi quelque vingt années plus tard. C'eût été un véritable gâchis si je les avais vues avec des yeux indifférents. » Une Autobiographie

Départ pour le Grand Tour
En 1914, Agatha épouse Archie Christie, et huit ans plus tard le couple s’embarque pour un voyage de dix mois dans le cadre d’une mission commerciale pour le compte de la future British Empire Exhibition. Ils quittent le port de Southampton à la fin du mois de janvier et ne rentrent qu’en décembre, mais Agatha prend le soin d’écrire chaque semaine à sa mère pour lui raconter avec force détails chaleureux et humoristiques les lieux exotiques et les personnes dont elle fait la connaissance. Ses réflexions personnelles rendent compte de son émerveillement. Elles lèvent en outre le voile sur les voyages et la politiques aux tous débuts du 20e siècle.
Ce périple – qui l’emmène en Afrique du Sud, au Botswana, au Zimbabwe, en Zambie, en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux Fidji, à Hawaï, au Canada et dans la partie continentale des États-Unis – affermit chez Agatha le goût pour l’aventure et le voyage. C’est en Afrique du Sud qu’elle se découvre une passion pour le surf, qu’elle se languit de remettre en pratique dès son arrivée à Honolulu – elle devient la première femme européenne à pratiquer le surf debout.
Les gens qu’elle rencontre au fil de l’eau viennent nourrir plus d’une intrigue de roman, notamment la forte personnalité du Major Belcher, leur compagnon de voyage, dont elle s’inspire pour son roman L’Homme au complet marron, publié en 1924. Le récit s’articule autour d’Anne Beddingfeld, héroïne en quête d’aventures.
Malheureusement, le mariage entre Agatha et Archie ne devait pas durer, et le divorce est prononcé en 1928. Plus tôt, la même année, Agatha se rend sur les îles Canaries en compagnie de sa secrétaire et de sa fille Rosalind, où elle termine la rédaction de son roman Le Train bleu, qui plante le décor sur la Côte d’Azur.

L’Orient-Express et le Moyen-Orient
L’année 1928 est un tournant dans la vie d’Agatha, après qu’une rencontre à un dîner l’incite à partir en voyage seule à bord du légendaire Orient-Express.
Son autobiographie énumère avec force détails exquis les images et les sons étourdissants qui accompagnent son périple en Syrie à bord de ce train qu’elle avait toujours rêvé de prendre. En route, elle vit une pléthore d’aventures, d’une attaque de punaises de lit qui lui font gonfler les bras et les jambes, à une quasi demande en mariage d’un ingénieur néerlandais, sans oublier un passage déconcertant dans un bain turc à Damas. De là, elle se rend à Bagdad par voie terrestre, puis rejoint le site archéologique de l’antique cité d’Ur, où elle fait la connaissance de l’archéologue Leonard Woolley et de son épouse Katherine.
Lorsque les Woolley l’invitent la saison suivante, elle fait la connaissance de celui qui deviendra son deuxième mari : Max Mallowan. Max fait visiter à Agatha les plus beaux sites d’Irak, et après qu’elle lui fait montre de sa patience et de son humour lorsque leur voiture tombe en panne en plein oued, il est plus que jamais convaincu de vouloir l’épouser.
Max et Agatha entretiennent une amitié simple, qu’ils nouent au gré des routes chaotiques des déserts qui relient des villes fortifiées, des fortifications mésopotamiennes romantiques et des hectares de cités antiques mises à jour par des travaux de fouilles. Après leur mariage, ils partent en lune de miel en Italie, en Croatie, dans le Monténégro et en Grèce et pour les besoins d’un chantier de fouilles rentrent en Europe via l’Azerbaïdjan (qui fait alors partie de l’Union soviétique) où ils se régalent de copieuses quantités de caviar.
Agatha entreprend la saison des fouilles au Moyen-Orient, d’octobre à mars, aux côtés de son époux : entre deux séances d’écriture, elle aide à nettoyer, cataloguer et photographier les découvertes. En 1931, à Noël, elle rentre en Angleterre seule à bord de l’Orient-Express lorsqu’un orage violent peu après Istanbul retarde le train de deux jours. Elle observe de près les autres passagers, qu’elle décrit dans une lettre adressée à Max ; parmi eux, une Américaine très animée qui passe le plus clair de son temps à parler de sa fille (ça vous rappelle quelque chose ?). Le Crime de l’Orient-Express sera publié en 1934.
En 1933, Agatha, Max et Rosalind partent en vacance en Égypte où ils font une croisière sur le Nil. En compagnie de sa fille, Agatha passe des heures enjouées à imaginer l’histoire des autres passagers. Quatre ans plus tard, Mort sur le Nil sort en librairie.
Au cours des années 1930, les tensions politiques ne cessent de monter en Irak, et Max décide de lancer de nouvelles fouilles en Syrie dans la vallée du Khabour. La Seconde Guerre mondiale met un terme au chantier.

Retour aux fouilles
Entre la fin des années 1940 et le début des années 1950, Agatha et Max passent chaque hiver sur le site archéologique de Nimroud en Irak, sur lequel ils jettent leur dévolu après avoir vécu cinq mois à Bagdad (période qui inspire à Agatha le roman d’aventure Rendez-vous à Bagdad). Si elle loge sous une tente au même titre que les autres membres de l’expédition, Agatha a l’usage d’une pièce dans la maison des expéditions, afin de pouvoir écrire. En ce lieu, elle demande à ne pas être dérangée (malgré les groupes de touristes qui meurent d’envie d’apercevoir la grande romancière).
C’est en ce lieu qu’elle va écrire parmi les plus célèbres aventures mettant en scène Hercule Poirot, parmi lesquelles Les Indiscrétions d’Hercule Poirot, Pension Vanilos et Le Chat et les Pigeons. C’est également à Nimroud qu’elle se met à travailler sur un projet que plus d’une personne la pressait d’entreprendre depuis fort longtemps – son autobiographie. Agatha se délecte de sa vie au Moyen-Orient. Les populations, les paysages, les cultures, les oiseaux, l’architecture et les antiquités, tout concourt à réjouir son esprit optimiste et à nourrir ses instincts de créatrice. Elle offre une chronique de sa vie là-bas dans son autobiographie de 1946 intitulée Dis-moi comment tu vis.
Une révolution éclate en Irak en 1958. Max et Agatha quittent définitivement la région en 1960.

Pour les affaires et le plaisir
Outre le temps qu’elle passe au Moyen-Orient, Agatha voyage souvent à l’étranger pour ses affaires et pour les vacances.
En 1956, Max est décoré d’une médaille d’or par l’université de Pennsylvanie ; Agatha l’accompagne et en profite pour se rendre à Los Angeles sur les plateaux de tournage de Témoin à charge que le réalisateur Billy Wilder adapte au cinéma. Le couple passe également trois jours dans le Grand Canyon.
Après la publication de Témoin indésirable en 1958, Agatha et Max partent en vacances sur l’île de la Barbade. À l’hôtel, un gentleman en chaise roulante inspire à la romancière le personne de M. Rafiel dans Le Major parlait trop, qui transporte Miss Marple sur l’île fictive de Saint Honoré – elle-même influencée par la Barbade.
Au cours des années 1960, d’autres voyages les emmènent en Haute-Égypte où Max se remet d’une grippe après avoir lui-même écrit un livre sur Nimroud ; en Belgique pour visiter un musée au nom d’Hercule Poirot ; en tournée aux États-Unis où Max donnait une série de conférences.
Au cours de ce voyage, le couple visite des musées dans la ville de Washington et séjourne dans l’Ohio et le Texas. Lors d’un passage dans le Vermont, ils découvrent l’automne américain, qui inspirera le roman La Fête du potiron, publié en 1966.

Malgré le passage des années, la passion pour le voyage et l’aventure d’Agatha ne s’est jamais démentie.

Retrouvez l'article original ici.

© Agatha Christie Limited